Yann Bucaille-Lanrezac, Fondateur de Café Joyeux : "En matière de RSE, on n’a encore rien vu !"
Interview
Quand prendre soin des personnes vulnérables fédère l’entreprise
Fondée en 2017 à Rennes, l’entreprise solidaire Café Joyeux, qui emploie des personnes porteuses d'un handicap mental ou cognitif, est aujourd’hui présente à Paris et Bordeaux. Depuis 2018, une gamme de café éponyme en grains, capsules et moulu voit le jour et soutient par sa commercialisation l'activité des cafés-restaurants.
Qu’est-ce qui dans votre démarche séduit le millier d’entreprises qui vous soutiennent ?
Finalement, ce qui nous rassemble tous, c’est l’envie de proposer un travail à des personnes exclues et fragiles. Tout le monde est d’accord ! Une entreprise ne vient pas demander que l’on installe un Café Joyeux au pied de leur immeuble pour « marketer » leur image. Tous nos « équipiers joyeux » sont en CDI, preuve qu’avec nous, l’engagement c’est du long terme. Ce que l’on observe, c'est que ce sont des entreprises qui nous aident par conviction.
Comment pensez-vous que les entreprises vont faire évoluer leur engagement RSE ?
En la matière, j’ai le sentiment qu’on n’a encore rien vu. La France doit se saisir du sujet car elle pourrait bien devenir championne du monde de l’intégration. Beaucoup ont commencé par la dimension environnementale, mais ce n’est qu’une partie du sujet. Si l’on se soucie de la terre, on se soucie de l’homme aussi. Très prochainement, les services RSE vont se dire : « avec tous les efforts qu’on a fait pour lutter contre notre empreinte carbone, isoler nos bureaux, etc., il est temps que l’on prenne soin des gens ».
Est-ce que votre action rejaillit au-delà des murs de ceux qui consomment votre café ?
À Rennes, l’un de nos équipiers joyeux vient tous les jours au travail avec une demi-heure d’avance afin de prendre le temps de venir dire bonjour à tous les commerçants de la rue. Ça en a surpris plus d’un au début, mais c’est un rituel nécessaire pour lui, qui le rassure. Cet été, il a pris quelques jours de vacances, et des commerçants nous ont contactés car ils s’inquiétaient pour lui. Je suis persuadé que les personnes vulnérables, dès l’instant où on leur laisse une petite place, rassemblent et fédèrent !
Afin de continuer à vous développer, que voudriez-vous dire à l’industrie immobilière ?
Le message est simple : quand un propriétaire foncier nous donne accès à son patrimoine immobilier dans le cadre d'un partenariat, cela coûte très cher de nous héberger. Mais à moyen terme, cela apporte tellement ! Sans l’aide de Groupama Immobilier, nous ne pourrions pas être présents sur les Champs-Élysées, sans l'aide de Gecina nous ne pourrions pas être en face de l'Olympia. Ce type de partenariat est essentiel pour nous et vient en parallèle d'autres transactions immobilières « classiques » avec des bailleurs particuliers qui n'ont bien sûr pas la possibilité de nous offrir ce type de partenariat. Il existe des labels HQE, des labels bas carbone... pourquoi pas un label « Joyeux », pour mettre en avant le rôle d’un immeuble dans l’inclusion de tous ?
_Yann Bucaille-Lanrezac, _Fondateur de Café Joyeux