Ancienne secrétaire d'État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire de 2017 à 2020, Brune Poirson a rejoint le groupe Accor au printemps 2021. Sa mission : définir la stratégie en matière de développement durable.
Selon vous, quel doit être le rôle des entreprises dans la lutte contre le changement climatique ?
Leur rôle est majeur. Aujourd’hui, de quoi avons-nous besoin pour réaliser la transition énergétique ? De solutions concrètes, de collaboration, de radicalité et d’espoir. Alors qu’un tiers des pays du monde n’a pas tenu ses engagements des accords de Paris, les entreprises se doivent de prendre le relais, d’agir, et vite. Nous avons également besoin de formes extrêmes de collaboration, ce dont nous avons tant manqué au XXe siècle, période surtout dominée par la concurrence. C’est ce que fait Accor en rejoignant la Sustainable Hospitality Alliance afin de trouver avec d’autres acteurs du secteur des réponses aux défis actuels. Quant à la radicalité, c’est précisément ce qu’il est difficile de mettre en œuvre à l’échelle d’un État, dont le rôle est de parler au nom d’un pays entier. Les entreprises, elles, peuvent prendre des partis pris très forts. Enfin, nous avons besoin d’espoir. C’est fondamental de montrer aux jeunes que de leur engagement professionnel viendra le changement.
Chez Accor, quelle est votre ambition « environnementale » ?
Nous essayons de participer à la résolution de problèmes systémiques au-delà des seuls sujets de l’hôtellerie. Alors que la crise de la Covid-19 a creusé les inégalités, un groupe comme le nôtre doit jouer son rôle d’ascenseur social. À l’heure de « Black Lives Matter », nous pouvons nous aussi lutter contre les inégalités. L’un des grands axes sur lesquels nous travaillons concerne la préservation de la biodiversité. Pour atteindre la neutralité carbone, cela ne suffit pas de réduire nos émissions, il faut aussi préserver les puits de carbone que sont les océans, les forêts... Nous concernant, nous avons mis en place notre premier programme pour lutter contre le gaspillage dès 1998. Actuellement, nous travaillons sur toute la chaîne d’approvisionnement de nos restaurants afin d’avoir les comportements les plus responsables possibles.
Comment se sont traduits vos engagements RSE pendant la crise sanitaire ?
Notre PDG Sébastien Bazin a eu le courage de lancer le fonds All Heartist afin de venir en aide aux collaborateurs et leurs familles, les personnes en première ligne de la Covid-19. Nous avons attribué à ce fonds 25 % des dividendes prévus en 2020, soit 70 millions d’euros qui ont bénéficié à des personnes partout dans le monde. En France, un mécanisme comme le chômage partiel a permis d’amortir les dégâts de la crise économique, mais cela n’était pas le cas partout. Nous avons ainsi pu jouer auprès de certains ce rôle d’assurance.
Quel est le rôle d’une entreprise comme Accor en matière de sensibilisation à un comportement plus responsable au bureau ?
Les PDG ne peuvent plus se dire « j’attends que le consommateur et l’employé nous demandent des produits plus responsables » ! Nous voulons que nos employés soient des activistes de l’environnement, qu’ils nous demandent des comptes ! Nous devons pouvoir les soutenir, et c’est pourquoi le bureau physique, où l’on peut se retrouver et partager la culture d’entreprise, reste fondamental. Concrètement, notre siège est un bâtiment HQE, les ascenseurs produisent une partie de leur énergie, nous récupérons l’eau de pluie, et nous n’avons plus recours au plastique à usage unique.
Demain, comment les bureaux devront-ils évoluer ?
Nous avons besoin de changements très concrets. La seule façon d’avoir de l’impact, c‘est de s’ouvrir aux autres. Il faut commencer par avoir cette humilité, se demander : « quels problèmes je veux régler ? ». Naturellement, cette réflexion vous mène à collaborer, à changer votre organisation. J’aimerais beaucoup voir des entreprises intégrer des Café Joyeux par exemple dans leur lobby, et permettre aux passants de s’y installer. Cela détonne forcément, cela bousculera peut-être certaines habitudes, mais c’est cela aussi la mission d’une entreprise. C’est pourquoi le lieu physique prend toute son importance : vous ne pouvez pas atteindre ce degré d’impact si votre entreprise est à 100 % en télétravail.
Brune Poirson, Directrice du développement durable chez Accor